PAULINE

A cause de mon jeune âge, de l’hormonodépendance de mon cancer et des dommages que les chimios peuvent causer aux ovaires, une partie importante de mon traitement passait par une thérapie hormonale. Cette thérapie s’est divisée en deux traitements, pris en parallèle: le Zoladex et l’hormonothérapie.

Les injections de Zoladex¹ ont commencé juste avant les chimios, en juillet 2016, provoquant une ménopause chimique, avec les mêmes conséquences qu’une ménopause due à l’âge: bouffées de chaleur, sécheresse vaginale, acné, baisse de la libido, douleurs articulaires, prise de poids, perte de densité osseuse, irritabilité, et j’en passe. Pour ma part, les bouffées de chaleur ont été très fortes les premiers mois, puis elles ont diminué en fréquence et en intensité.

J’ai commencé l’hormonothérapie en février 2017, 2 mois après la fin des chimios. J’ai commencé par l’Aromasin². En pratique, il s’agit juste de prendre un petit comprimé par jour, tous les jours, pendant 5 à 10 ans.

Très vite, les bouffées de chaleur qui s’étaient estompées sont revenues en force. Heureusement, ça n’a duré qu’un mois ou deux, puis mon corps s’est habitué, et c’est à nouveau devenu supportable.

Par contre, les douleurs articulaires, la sécheresse vaginale et l’acné m’ont frappée de plein fouet. Le matin, je descendais l’escalier à reculons, comme ma grand-mère à 90 ans, parce que j’avais trop mal aux pieds, aux genoux et aux hanches pour arriver à plier les jambes. Mes mains et mes épaules n’étaient pas en reste. Il me fallait une demi-heure pour me dérouiller tous les matins. Passé ce moment difficile, c’était supportable, mais la douleur était là en permanence.

Après 2 mois de traitement, j’ai revu l’oncologue. Elle m’a conseillé de prendre un complément alimentaire (à base de chondroïtines, glucosamine et MSM) pour améliorer le fonctionnement des cartilages. Elle m’a aussi expliqué que l’acupuncture avait montré de bons résultats chez certaines femmes. J’ai donc pris rendez-vous chez un acupuncteur. Après 2 séances, les douleurs dans les épaules, les genoux et les hanches s’étaient nettement atténuées. J’ai multiplié les visites chez l’acupuncteur, mais les pieds et les mains me faisaient toujours souffrir.

La sécheresse vaginale et la perte de libido ont également été très difficiles à gérer, pour moi-même, mais aussi pour mon couple. L’oncologue m’a prescrit des ovules d’œstrogènes afin de tonifier la paroi vaginale, mais je n’ai ressenti aucune amélioration.

En juin 2017, 4 mois après le début de l’hormonothérapie, j’ai craqué. Cela faisait un moment que je le sentais venir. Je sortais de chez la psy. Je lui avais bien entendu parlé de tous ces problèmes et la discussion m’avait fait du bien. Mais en sortant de chez elle, sans raison particulière, impossible de continuer à avancer. Au propre comme au figuré. J’avais l’impression d’avoir terminé une course d’obstacles pour me rendre compte qu’il n’y avait aucune issue.

Je me sentais prisonnière de ce traitement qui détruisait ma qualité de vie. Les effets secondaires sont plutôt modérés, comparés à ceux des chimios. Mais ils sont là pour les 10 prochaines années, et ça, je n’arrivais pas à m’y faire. Mon corps se remettait tout doucement des chimios et des opérations, et j’aurais voulu aller bien. Bien, pas juste mieux. Pas bien mais… Juste bien. Je voulais pouvoir tourner la page, et ce traitement m’en empêchait. J’ai pleuré de façon incontrôlable pendant longtemps. Ça m’a fait du bien d’enfin arriver à lâcher cette tension qui s’accumulait en moi depuis des mois. D’enfin admettre que j’avais un problème avec ce traitement et que je n’arriverais pas à le suivre jusqu’au bout. Car c’est culpabilisant. J’avais la chance de pouvoir être traitée au mieux, on m’offrait sur un plateau un médicament qui réduirait le risque de récidive de x%, et j’osais cracher dans la soupe? Dire stop? Mon côté “bon petit soldat” s’y est opposé aussi longtemps qu’il a pu. Mais trop c’est trop. J’étais à deux doigts de tout arrêter, zoladex et hormonothérapie.

Plus d’un an après, raconter cet événement est toujours difficile, et je me rends compte que j’ai du mal à écrire un texte cohérent. Tant d’émotions difficiles ont fait surface ce jour-là. Tant de conflits internes ont enfin été exposés au grand-jour.

Malgré tout, j’ai encore tenu le coup 3 mois. J’ai continué à prendre l’Aromasin jusqu’à mon rendez-vous suivant chez l’oncologue. J’appréhendais beaucoup ce rendez-vous car j’avais peur de sa réaction. J’ai donc demandé à Gilles de venir avec moi. Je lui ai expliqué tout ce que je voulais dire à l’onco et je lui ai demandé de se battre pour moi si je n’en avais pas la force.

Mais l’oncologue m’a écoutée et entendue. Elle n’a pas du tout minimisé l’impact psychologique des traitements, ce qui m’a énormément soulagée. Elle m’a proposé deux choses: remplacer l’Aromasin par le Nolvadex³ et continuer le Zoladex encore 9 mois pour arriver à une durée totale de traitement de 2 ans (de juillet 2016 à juillet 2018).

Le Nolvadex est utilisé dans la lutte contre le cancer du sein depuis plus longtemps que l’Aromasin. Il est un peu moins efficace en termes de prévention des récidives, mais il est parfois mieux toléré. Elle a beaucoup insisté sur l’importance de continuer l’hormonothérapie pendant au moins 5 ans, mais elle était d’accord de supprimer le Zoladex après 2 ans de traitement si je n’en pouvais vraiment plus.

Cette discussion, que j’ai vécue comme une négociation, m’a soulagée. Je me suis sentie entendue et comprise.

Le passage au Nolvadex a nettement réduit les douleurs articulaires et fait disparaître l’acné. C’était déjà un grand pas. Par contre, aucune amélioration concernant la sécheresse vaginale.

A l’heure d’écrire ces lignes, j’ai enfin pu arrêter le Zoladex. Je suis donc maintenant uniquement sous hormonothérapie. J’ai quelques raideurs articulaires dans les mains et les pieds le matin, mais ça passe assez vite. Par contre, impossible de me débarrasser de cette fichue sécheresse… L’arrêt du Zoladex a un peu amélioré la situation: je ne me blesse plus en m’essuyant après avoir été aux toilettes. Youppie!

Vu les effets secondaires, l’hormonothérapie a évidemment un impact sur ma vie de couple. Et ça, c’est assez difficile à gérer pour moi, psychologiquement. Dans nos sociétés où l’on est sans cesse confronté au culte de la performance et de la réussite, j’ai l’impression d’échouer dans un aspect important de ma vie de couple. Heureusement, Gilles est adorable et compréhensif, jamais culpabilisant.

J’en suis à 1 an et 8 mois d’hormonothérapie. J’en ai encore pour plusieurs années, jusqu’en 2022 minimum. Tant que maintenant, la peur de la récidive est la plus forte. Mais jusqu’à quand?

 


Pour mieux comprendre les différents médicaments à action hormonale:

¹ Zoladex = acétate de goséréline = un petit  bâtonnet de gel, implanté tous les 28 jours dans la graisse du ventre au moyen d’une (grosse) aiguille. Le gel diffuse une molécule chimique qui va bloquer la sécrétion d’hormones au niveau de l’hypophyse (une glande dans le cerveau). Le zoladex inhibe ainsi la production d’androgènes dans le corps.

² Aromasin = Exemestane = Aromasine = médicament inhibiteur de l’aromatase. Cela veut dire qu’il empêche une enzyme (l’aromatase) de transformer les androgènes en œstrogènes.

Le Fémara (=Létrozole) est également un inhibiteur de l’aromatase. Il fonctionne comme l’aromasin.

³ Nolvadex = Tamoxifène : bloque sélectivement les récepteurs aux œstrogènes présents sur les cellules tumorales.

 

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